Lettre à mon fils

Mon très cher fils,
Cette lettre me trotte dans la tête depuis longtemps et cette fois-ci je me lance. Il y a tant de gens qui partent autour de moi avec la frustration de n’avoir pas exprimé leurs sentiments, je me suis dit que cela ne m’arriverait pas.
Avant de rencontrer ton père, j’étais une vraie tornade, aventurière, pilote, casse-cou qui croquait la vie à pleine dents. C’était la joie de vivre mais poussée à l’extrême et presque dans le mauvais sens, j’aurais très bien pu basculer dans une folie auto-destructrice.
J’imagine que c’était pour compenser toutes les brimades que j’avais subies chez les bonnes sœurs avant d’être enfin libre.

Je ne lis pas les horoscopes, mais bon le caractère des gens est quand même lié à leurs signes, vous ne trouvez pas ? Non !
Mais si enfin, en tout cas moi, j’y vois clair là-dedans.
Par exemple, les taureaux s’entendent bien avec les scorpions, des séducteurs. Regardez Mitterrand par exemple, et les poissons aussi, mais on aime moins les cancers, enfin on a moins d’affinités avec eux par exemple et c’est pire avec les gémeaux.
Là, c’est l’horreur avec les gémeaux.
- Oh là, là les gémeaux !
-Ah votre père est gémeaux, oui mais vous êtes capricorne alors...
--Non, je pensais...
-Vous êtes taureaux ...Comme moi!
-Bon eh bien, ma mère était gémeaux, et élevée chez les bonnes sœurs, et avant la guerre...


Mon ex-femme
* * * * *
- Salut, c'est Marc, ça va ?
-....
- Hem. J'te téléphone parce que j'me sens pas tant bien.
-....
- Ben c'matin en allant à la boulangerie, j'ai croisé Coralie.
-....
- Mais oui, tu sais, mon ex.
-....
- Ok très ex. Ca doit faire 15 ans qu'on était plus ensemble. Et j'peux t'dire que j'étais pas à mon avantage. J'avais dit à Julie d'rester au lit et j'avais juste passer un imper sur mon pyjama. T'aurais vu son regard qui m'passait au scanner. Gênant ! J'aurais voulu pouvoir me glisser dans un trou d'souris.

« Portrait »

Consignes :

• Comment quelqu’un perçoit et parle d’une autre personne proche (famille, conjoint, enfant)
• Le héros doit parler d’une personne de son entourage mais cultiver une certaine ambiguïté, non-dits, etc...
• Eventuellement on peut aborder une situation conflictuelle, où la version des faits diffère d’un protagoniste à l’autre

*****Mon Ex

Tu ne connais pas la dernière ? L’autre jour je suis tombée sur Marc, mon ex. Et bien, il ne s’est pas arrangé... D’ailleurs je l’ai à peine reconnu, c’est lui qui m’a saluée en premier. Il m’a même fallu quelques secondes pour le remettre...

Bon, il faut dire que, déjà à l’époque, il ne prenait pas grand soin de sa personne. Mais là, tu vois, il faisait carrément négligé! Je ne dis pas qu’il faille se pomponner pour aller chercher ses croissants à la boulangerie le dimanche matin mais quand-même, il y a un minimum! Et là, je t’assure qu’il sortait du lit et qu’il n’avait même pas pris la peine d’enfiler un jean ; on voyait son pyjama dépasser sous son imper. Je te jure...

Silences

Depuis son retour à la maison, elle ne parlait pas. Je ne reconnaissais plus ma fille. C'était une ombre silencieuse qui se glissait de sa chambre à la salle de bain et de la salle de bain à sa chambre.
Parfois elle venait picorer à la cuisine en notre absence. Je le savais car il y avait de petits signes qui m'alertaient : le chiffon changé de place, un paquet de biscuits entamé mais remis dans le placard, un pot de yogourt vide dans la poubelle, presque rien mais cela me rendait heureuse, je me disais que si elle avait faim, rien n'était perdu, elle pouvait se reconstruire, retrouver une vie « normale ».
Parfois j'allais écouter derrière sa porte. Je n'entendais rien, pas de musique, pas de télévision, rien si ce n'était de petits bruissements de papier, peut-être lisait-elle ou écrivait-elle ?
Au début j'essayais de la déranger, de la questionner, mais dès qu'elle posait son regard sur moi, je savais que je n'avais pas ce droit. Son expression changeait, d'une attitude triste, elle passait à une totale absence, comme une coquille vide. En pareille situation l'effet est garanti, vous n'avez qu'une envie : bafouiller une quelconque excuse et battre en retraite immédiatement.

Au début ce silence était si pesant qu'il y avait comme une chape de plomb sur la maison. Avec Charles, mon mari, on se surprenait à chuchoter ou à se faire des gestes pour se faire comprendre. On baissait le son de la télévision. Puis petit à petit, le silence est devenu moins pesant, plutôt comme un cocon, on l'a apprivoisé, on s'en est accommodé. Même Elise a eu l'air d'aller mieux dans son propre silence, elle se glissait un peu moins doucement d'une pièce à l'autre, alors on s'est habitué, on s'est même mis à apprécier le silence sans le craindre, sans s'angoisser.
Parfois je me disais que ce serait toujours comme cela, une fille muette, une ombre de fille.

Tout avait commencé un jour du mois de novembre, l'année dernière, j'avais trouvé un mot sur la table de la cuisine. Ma fille unique, Elise, partait « vivre sa vie » avec son petit ami. C'était son expression « vivre ma vie ». Elle n'avait que quinze ans et nous n'avions aucune indication de l'endroit où elle allait, ni du petit ami en question. C'était un tsunami dans nos petites vies rangées, boulot, lycée, dodo. On n'avait rien vu venir. Trois mois plus tard, la police l'avait retrouvée, seule, errant dans le métro à Paris, en haillons, hagarde, sale et dénutrie. Elle était devenue muette. Après un mois de soins dans un centre hospitalier spécialisé pour les adolescents on nous a rendu notre fille, enfin plutôt une fille, qui, physiquement lui ressemblait, mais qui n'était plus vraiment notre fille.