Je me souviens
Nous portons de longues robes en batik ou en tissu indien, des petits châles de laine. Les gars ont les cheveux longs qu’ils couvrent parfois de petits bonnets crochetés. Quand nous ne sommes pas pieds- nus, nous chaussons des sabots en bois. Ils claquent sur le plancher au rythme des violons, des banjos et autres épinettes. Nous sommes si nombreux dans la salle communale de Nyon ! Alors nous ouvrons tout grand les portes pour danser, chanter, nous asseoir dans l’herbe ou sur un parking proche. Les passants médusés ou carrément scandalisés s’enfuient en maugréant. Un vent de liberté nous enivre. Nous sommes en juillet 1976. Nous vivons notre premier festival folk.
Je me souviens…
Juillet 1977. Le festival PALEO vient de naître. Ce n’est pas une centaine de personnes mais des milliers qui déferlent sur le terrain de Colovray, au bord du lac.-comment notre petite salle communale aurait-elle résisté ?-J’ai un bébé de 6 semaines. Notre petite Magali va vivre ses premiers émois musicaux, attachée derrière mon dos ou derrière celui de son papa.
Je me souviens avec tendresse, émotion, nostalgie souvent, de tous les autres PALEO-je n’en ai raté qu’un- vécus en famille ou entre amis.
Je me souviens …
1982 le concert de Joan Baez. Je suis au premier rang. La foule se presse, se compresse, c’est un raz de marée qui me pousse sur la scène. Vais-je pouvoir respirer. Finalement tout se passe sans heurt ni malheur. Quel concert !
Je me souviens…
1983. on chante en famille avec Renaud. Anaïs a trois ans, elle est déjà une fan inconditionnelle.
1984 Nougaro nous bouleverse.
Je me souviens de Stephan Eicher, fidèle du PALEO qui nous offre sa magie à chacun de ses passages
Je me souviens…
En coulisse je rencontre ben Harper, j’apprécie sa gentillesse et son charme et celui de Mikael von der Heide. Je partage les facéties de Manu Thao et son groupe de la Mano Negra. Je bois de la vodka et jette mon verre vide par-dessus mon épaule, initiée par le groupe russe de balayaikas.
Je me souviens de la course à la fondue que nous organisons avec les responsables du « Club Trent » en clôture du festival.
Je me souviens des tartines géantes de Georges qu’il faut tenir à deux mains.
Je me souviens de la chaleur étouffante, de la poussière. Des pluies torrentielles, de la boue et des vêtements tout crottés qui s’amoncellent devant notre porte car en ces temps de festival beaucoup de monde dort chez nous.
Je me souviens…
1988. Nous sommes aux Etats-Unis pour les 40 ans de Jean-Pierre Par une douce soirée de Juillet, nous ramons sur un petit lac, dans une sérénité exquise. Nos deux filles sont moroses. « Dire que ce soir le PALEO commence et qu’on n’y est pas ! »
Voilà pourquoi, cette année encore. Je me retrouverai sur la plaine de l` Asse puisque c’est là que mon festival préféré continue de vivre, de grandir et…de ne pas vieillir.
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- Auteur : Hélène
Récit de mon grand-père
Je suis repassée cet après-midi devant sa porte. Elle était entrouverte. Je me suis permis d’entrer après avoir heurté plusieurs fois très fort. Il a fini par se retourner. En m’apercevant , il a soupiré. De ses yeux las, il m’a fixé un moment avant de me dire de sa voix chevrotante: "Ah! C’est toi! Que veux-tu savoir que je ne t’aille pas déjà raconté? "
Et comme je m’y attendais, il a recommencé depuis le début.
« J’étais démuni, je n’arrivais plus à gérer ses crises qui devenaient de plus en plus sévères et fréquentes. J’avais mon travail. La vigne ne pouvait pas pousser toute seule. Et les gosses… Suzanne n’avait que 9 ans, Edith n’était qu’un bébé.Entre les deux il y avait Pierre et ta mère d’à peine 4 ans. Comment reprendre seul en main une éducation que ta grand-mère ne pouvait plus assumer. J’ai fini par céder quand on m’a incité à la conduire à la clinique. Ce n’est pas de gaité de coeur que je l’ai fait. Pour le bien des enfants, c’était le meilleur choix.
Je me souviens quand je l’ai laissée là-bas, quand le grand portail s’est refermé, elle ne s’est même pas retournée pour me faire un signe. Et moi, j’ai pleuré tout au long de l’allée et même dans le train qui me ramenait jusqu’à la maison. Cette maison qui, sans elle, n’a plus jamais ressemblé à celle que j’avais connu jusque là. Les enfants étaient impatients de me revoir. Comment leur expliquer pourquoi je rentrais seul. J’ai expliqué à Suzanne . Elle a beaucoup pleuré. Quand je lui ai dit que nous pourrions peut-être aller quelquefois ,le dimanche, à la clinique et qu’elle était assez grande pour s’occuper de ses frères et soeurs, elle s’est montrée raisonnable. Elle a tout de suite pris son rôle de petite maman très au sérieux. Les petits s’en sont bien accommodés.
J’ai gardé longtemps l’espoir que leur maman puisse guérir.
A chaque visite, c’était un déchirement. Les petits avaient beau lui témoigner toute la tendresse et l’affection possible, en vain. Son monde n’était plus le nôtre. Elle vivait de plus en plus dans sa bulle. »
Là ,mon grand-père s’est interrompu. Il m’a regardé de son air las. « Je sais, me dit-il, tu vas encore t énerver contre les institutions psychiatriques. Tu vas me dire qu’elles ne l’ont pas soignée comme il aurait fallu. On était en 1930!! On ne connaissait pas les traitements actuels. Arrête de te persuader que cela aurait pu être différent! Ta mère s’en est bien sortie! Quelle idée as-tu de toujours me rappeler tout ça?! J’ai envie de me reposer, là, maintenant! Baisse un peu le store, je vais faire une sieste.
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- Auteur : Hélène
Une longue promenade (récit à deux voix)
On avait tellement parlé de guerre. Elle a fini par arriver. Mon papa est parti et tout le monde pleurait. Mais finalement ce n'était pas aussi terrible que je l'avais imaginé. On s'est installé à la campagne comme si c'étaient les vacances (même si j'allais à l'école, une école un peu bizarre mais je vous en parlerai une autre fois.) Mon père venait souvent nous voir. A Paris,il dormait dans un wagon à la gare avec d'autres soldats. Il avait une moto et portait des messages. Une « estafette » ,ça s'appelle.
Il parait que la guerre, c'est à cause d'un homme particulièrement méchant. J'avais cru entendre qu'il s'appelait Itelère mais j'ai cherché son nom sur le calendrier, (j'ai 7 ans et je sais très bien lire) je n'ai trouvé que « Hilaire ». Alors j'avais peut-être mal entendu.
La vie à la campagne, c'était bien, on avait une poule, une lapine et de petits lapins. Aujourd'hui, il faut s'en aller car les soldats allemands vont arriver. Pourtant Maman ne veut pas partir.
Non, en 1940, je ne voulais pas partir, partir était une bêtise mais les gens du village ne comprenaient rien . Impossible de les convaincre. Je ne voulais pas rester seule. Trop dangereux pour une jeune femme de 35 ans avec ses deux petites filles.
Alors il a fallu tuer la poule. Heureusement les grandes personnes ont oublié notre lapine et je n'ai rien dit.
Il y a sur la place une charrette avec un cheval. Et tout le monde y a posé une valise . Maman a pris la poussette de quand on était petites, Elle a écrit à la craie un mot pour Papa et lui expliquer.
Oui, le bruit courait que les soldats quittaient aussi Paris et je pensais que mon mari, le motard de sa compagnie, trouverait peut-être le moyen d'aller nous voir, C'était souvent la débandade mais pas avec les officiers de la Gare de Lyon, des anciens de la guerre de 14 qui voulaient se battre et qui ont tardé à quitter Paris.
Alors on est tous partis.On a marché toute la journée. Sur la route,il y avait beaucoup de gens comme nous. A pied et d'autres avec une voiture. Et des soldats. Maman voulait toujours trouver mon Papa.
Une fois, des avions nous ont lancé des petits papiers blancs. Comme quand il neige. Les grandes personnes les ont lus. La maîtresse de mon école n'était pas contente, elle ne voulait pas avoir un drapeau blanc. Je n'ai pas compris pourquoi.
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- Auteur : Gaica
Nous étions en 1968 et nous ne savions pas qu'un peu plus tard ces dates prendraient sens et que nous allions croiser l'Histoire !
Nous avions trente ans, nous enseignions tous au Lycée d'une petite ville française proche de Genève. Nous aimions le cinéma, les longues conversations du samedi quand nous mangions ensemble avant d'aller faire nos courses à Genève (Mais oui !C'était moins cher !) et nous étions mécontents.
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- Auteur : Gaica
Parfois, dans un lieu parfaitement silencieux : pièce bien insonorisée ou pleine nature, j’entends comme un brouhaha irrégulier et confus. On m’a dit que c’est un léger acouphène mais pour moi, c’est la rumeur de mon avenue. Je dis souvent de façon plaisante que je suis née au bord de la Nationale 7 : Et ce n’est pas faux.
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- Auteur : Gaica