Dispute, chamaillerie et conflit, algarade, chicane et litige, querelle et fâcherie, bisbille ou barouf.

 

- Je te dis qu'une grève qui n'emmerde personne est une grève qui ne sert à rien. Si tout le monde peut prendre son bus, son métro ou son RER comme chaque jour, si les poubelles sont dégagées quotidiennement alors qui en parlera, qu'est-ce qui va bouger ?
- Mais on n'a pas le droit de prendre le bon peuple en otage. Des privés ont dû organiser des voiturages afin que les étudiants puissent passer leurs examens, tu te rends compte ?
- C'est bien le bon peuple apprend la solidarité.
- Les mécanos de locomotives ne veulent pas lâcher leur prime de pénibilité, alors qu'elle date de l'époque où il fallait charger le charbon, ça n'a plus de sens.
- La pénibilité a changé. A l'époque du charbon, il y avait 5-6 trains par jour. Maintenant il y en a toutes les 15 -20 minutes selon les lignes. Tu imagines la tension nerveuse.
- Ca fait rien on n'a pas le droit de prendre le peuple en otage, c'est indigne de la CGT de mettre un pareil désordre dans la République.
- Qui sème le vent, récolte la tempête. Le gouvernement a bien provoqué ce qui arrive.
- Comment peux-tu dire ça?
- Je ne suis pas politologue et je n'ai pas fait l'ENA, mais en entendant les quelques changements prévus par ces fameuses lois sur le travail, un soir, sur France 2, j'ai tout de suite pensé que, à juste titre, toute la France serait bientôt dans la rue. J'ai juste pensé qu'on méprisait une fois de plus la masse laborieuse.
- Mais, on n'a pas le droit de prendre le peuple en otage.
- Ca va faire trois fois.
- Trois fois quoi...?
- Que tu répètes "on n'a pas le droit de prendre le peuple en otage", tu n'as pas d'autres arguments ?
- Si j'en ai un autre. Les Français sont accrochés à leurs petits privilèges. Ils ne veulent rien lâcher.
- Tu lâcherais du lest toi si tu allais perdre une partie de ton pouvoir d'achat ? Si ce que tu allais perdre te mettrait dans la mouise car tu ne pourrais plus payer les traites de ta maisons ou les études de tes enfants ?

Viviane et Martine deux vieilles amies tenaient ces propos sur une terrasse ensoleillée. Elles se prenaient la tête pour une histoire qui ne les concernait même pas, mais c'était un débat d'idées. Il semblait bien à Viviane que Martine qui avait épousé un éminent professeur d'université avait oublié durant le cours de sa vie sans problème financier, qu'elle avait eu un père ouvrier qui se levait tous les jours à 5 heures pour gagner péniblement sa vie et celle de ses enfants. Elle avait oublié la difficulté d'être pauvre, l'ennui d'avoir toujours les vêtements de son ainée, les vacances dans des colonies subventionnées pour les enfants d'employés de la fabrique. Elle avait oublié ou bien elle ne voulait plus y penser.

Pour Viviane, qui avait aussi eu un père ouvrier besogneux, tirant toujours le diable par la queue, il en avait été autrement. Elle s'était toujours mobilisée pour plus de justice, pour que les acquits sociaux, obtenus de hautes luttes ne soient pas bradés sur l'hôtel de la compétitivité, de la libre concurrence et autres concepts néolibéraux. Elle avait développé un sens aigu de la dignité humaine. Trouvant le Parti socialiste un peu mou elle avait opté pour Ensemble à Gauche, mais elle ne se sentait pas satisfaite pour autant.

Les deux vieilles amies ne pourraient pas se mettre d'accord, elles le savaient et ne voulaient pas se brouiller. Heureusement une troisième larronnes a fait glisser la conversation sur un autre sujet beaucoup moins problématique et plus consensuel, les prochaines vacances.