Dans une rue étroite et mal éclairée, il y a un pub aux vitres crasseuses, où d'aprüs l'affiche déchirée scotchée sur la porte, ce soir Shane Mac Gowan, l'ex chanteur de Pogues va se produire.

Couchée dans son lit, Martine n'a plus la force de se lever. Les soignants de cette unité de soins palliatifs l'aident du mieux qu'ils peuvent. Ce service se situe au dernier étage du nouvel hôpital intercommunal de Haute-Savoie.

Martine y est entrée deux semaines plus tôt atteinte d'un cancer de l'utérus en phase terminale. Plus faible de jour en jour, elle est consciente de vivre ses derniers instants, seule.

Pour parler du silence, je commencerai par une citation. C'est la traduction d'une petite BD de Quino bédéiste argentin, père de Mafalda, jeune fille sans âge, lucide, directe et drôle.

Mafalda : - Pourquoi je dois le faire ?
La mère : – Parce que je te l'ordonne et que je suis ta mère !
Mafalda : - Si c'est une question de titre, je suis ta fille, et nous avons été titularisées le même jour, non ?

Ce matin je me suis réveillée dans ce fauteuil, avachie sur l'accoudoir, la nuque douloureuse car ma tête pendait dans le vide. Le vide, c'était l'état de mon cerveau hier soir. Comme je n'avais plus envie de poser pour mon colocataire d'atelier, que je n'avais pas le courage de le lui dire, j'ai commencé par un verre de vin, puis un deuxième, un troisième verre pour oublier ma lâcheté. Tiens, au fait, elle est où cette bouteille, je me rincerais bien la bouche, je me sens barbouillée, trop bu hier soir.

Parfois, dans un lieu parfaitement silencieux : pièce bien insonorisée ou pleine nature, j’entends comme un brouhaha irrégulier et confus. On m’a dit que c’est un léger acouphène mais pour moi, c’est la rumeur de mon avenue. Je dis souvent de façon plaisante que je suis née au bord de la Nationale 7 : Et ce n’est pas faux.