Libre comme l’air
Bon, j’ai une heure devant moi avant de rejoindre l’association de défense des nègres d’écrivains.
Je vais m’occuper de ma page Facebook. Ça fait presque une semaine que je ne l’ai pas retouchée. Incroyable comme le temps passe vite !
La dernière chose que j’avais exprimée c’était mon sentiment de légèreté et de liberté après avoir annoncé à Joaquim que je le quittais. Et que je ne me battrais pas avec lui pour la garde de Kevin. Je ne veux pas que cet enfant ait trop à souffrir de la séparation de ses parents. Ce ne sera pas un enfant balloté d’un appartement à un autre. Je ne serai pas une mère qui élève « seule » son fils.
La fusion, non merci ! Ce n’est pas ma tasse de thé.
Pour l’instant, Kevin semble s’en accommoder... autant en profiter. Si plus tard il montre des signes de désaccord, je saurai assez m’en occuper à ce moment.
C’est ma sœur qui m’agace !
Cette geignarde qui veut « me mettre en garde » contre le sentiment d’abandon que Kevin pourrait vivre.
D’abord elle ne connaît pas mon fils. Il est comme moi !
Il sait dire les choses. C’est pas comme elle qui s’exprime tous les deux mois, reste plan-plan dans sa cuisine et n’arrive pas à s’intéresser à ce que font ses voisins.
La seule chose qui compte pour elle, c’est son petit mari, ses gamins et sa tronche...
Et voilà qu’elle me fait la morale...
C’est bon ! J’ai tâté de la vie de famille parce que, elle comme moi, nous avons été élevées dans cette optique.
Mais maintenant que Kevin est grand et capable de comprendre ses besoins, comme ceux des autres, je peux changer d’air.
Kevin est brave d’accompagner son père qui a besoin de voir sa famille... Surtout son frère ! Moi, Yannick, je ne peux pas le supporter ! Tiens, il me rappelle trop ma sœur et son côté plaintif...
Ils vont tous ensemble à la chasse.
Je n’y vois aucun inconvénient. Ils sont entre hommes avant tout !
Je suis sûre que tirer sur de pauvres bêtes qui ne leur ont rien fait, ce n’est qu’un prétexte pour mesurer leur virilité !
C’est là que réside leur plaisir à être entre mecs...
J’ai bien essayé d’intéresser mon fils à d’autres choses que la chasse. Mais les associations de protection des animaux, il n’en a pas voulu.
Julie, ma sœur, m’a dit que c’est parce qu’il avait fait le choix entre la chasse et la protection des animaux. Ce qui revient, selon elle, à choisir entre son père et sa militante de mère !
Mais qu’est-ce qu’elle complique les choses, ma sœur ! En fait, c’est ça son problème.
Tout est tellement compliqué avec elle qu’elle ne prend jamais aucun parti.
Si Kevin va à la chasse avec son père, c’est pour se montrer viril. Pas pour s’opposer à sa mère comme l’affirme ma sœur.
C’est elle qui veut juste essayer de me culpabiliser en me parlant de choix, et rien d’autre...
J’accepte que mon mari, pardon, mon ex, et que mon fils soient chasseurs et qu’ils aient leur manière à eux de s’intéresser à la faune.
Ces derniers temps, ma sœur essaie moins de raisonner avec moi. Elle sait que je vais démonter toutes ses histoires si tarabiscotées qu’elle imagine chez les gens.
En fait, la vie elle est simple !
Les hommes et les femmes sont « programmés » pour avoir des enfants.
Moi, j’ai rempli ma part de la programmation. J’ai fait un enfant avec l’homme que j’ai choisi.
Après le programme se termine...
D’ailleurs, biologiquement, c’est prévu comme ça chez les femmes. Après un certain âge, plus d’enfant !
Donc plus besoin de rester avec un homme...
Et vive la liberté !
Julie n’arrive pas à comprendre que je veux vivre hors programme.
C’est un grand changement chez moi. C’est peut-être une chose qu’on peut me reprocher...
J’ai vécu pour le programme. J’ai suivi son exemple et... j’ai bien vu qu’elle ne s’épanouissait pas. Au contraire.
Elle est si dévouée à sa famille et à son mari qu’elle oublie de vivre pour elle-même.
Elle me dit qu’elle est heureuse et qu’elle a fait le choix de sa famille « définitivement », mais je vois bien que ce n’est pas vrai.
J’aimerais parfois la secouer. Lui dire qu’elle s’enferme dans une prison. Mais elle n’entendrait pas.
Par contre, elle m’a fait réaliser mon propre enfermement. Après tout, pourquoi est-ce que je lui demanderais de faire une chose que je dois faire moi-même ?
Je dois lui montrer le chemin. Reconquérir « pour de vrai » ma liberté ! Pas seulement laisser Joaquim et Kevin vivre leur vie le week-end pendant que vis la mienne ces quelques jours.
Je dois être libre « tout le temps » !
Et lorsque j’en parle avec ma sœur, elle me demande : « Même si « vivre libre » ça signifie « vivre seule » ? »
Ça c’est bien une idée de ma sœur... Associer la liberté et la solitude...
Comme si la solitude était le prix à payer pour la liberté !
Je lui ai rétorqué qu’on pouvait vivre libre à plusieurs, mais que ce n’était pas ce que j’avais trouvé avec Joaquim. Même si j’ai essayé d’y croire...
Et elle ? Est-ce qu’elle ne se sent pas seule parfois au sein même de sa famille ?
Je crois qu’on traverse tous ces moments. Ça fait aussi partie de la programmation. Et il faut l’accepter. Pas faire semblant comme ma sœur : « je suis en famille, donc je ne suis pas seule ».
Et moi, je suis dans ma famille et je ne me sens pas à l’abri de ce sentiment. Ce n’est pas juste la présence des gens. C’est le fait de ne pas partager les mêmes choses.
Allez ! Je me mets au travail pour cette page Facebook. Je pourrai justement partager des choses...