Un jour, le propriétaire de l'appartement où je vivais m'a emmené dans un laboratoire d'analyse psychologique pour qu'on y étudie mon comportement.
Il trouvait que je n'étais pas normal, que je ne me comportais pas comme mes congénères, que je ne répondais pas aux attentes – ce qui, disait-il, le faisait passer pour un nigaud aux yeux de ses nombeux amis.


Je n'ai certes pas un QI de surdoué mais je n'étais pas enclin à céder à n'importe quelle demande : par exemple, j'étais supposé batifoler, sautiller, bondir, pratiquer un parcours échevelé dès que la nuit tombait tandis que ses amis venaient voir le spectacle... Moi en spectacle ? Jamais, je ne suis ni un acteur ni un clown :
- C'est la nuit, me répétait-il..
- Et alors ? La nuit, je dors comme tous ceux-là devraient le faire...
- Il n'y a que nous qui devons dormir dès la fin du jour, pas toi... tous tes semblables s'amusent dès que les lumières s'allument... Serais-tu un extra-terrestre ?
- Moi ? mais pas du tout, je suis on ne peut plus terrestre. Cependant, j'écoute attentivement quand vous lisez des extraits des livres du grand Rabelais – que vous adorez – et je ne voudrais pas du tout copier les faux exploits des moutons de Panurge, cette fuite en masse sans réfléchir, c'est d'un déprimant... et quel manque de personnalité ! Mon comportement vital ne contient aucun désir de copier, suivre, agir comme n'importe quel individu qui se présente : j'improvise à chaque nouvelle sollicitation...
Bref, à chaque remarque, je défendais mon point de vue et m'y attachais. Après tant d'échanges de sourds, lui, le conformiste à tout cran a débarqué avec moi dans ce labo et un autre enfer a commencé :
Introduit dans un espace clos, j'ai été poussé de test en test, de grillage en hublot, de cubes en parallélépipèdes au fil d'un parcours dément. D'après ce que j'ai compris, je devais avoir les attitudes des autres de mon espèce; je devais faire comme eux : courir, sauter, grimper, résoudre des énigmes (malgré le peu d'expérience que m'accordait mon jeune âge). En dépit de ma volonté de mener une vie à ma guise, j'ai reconnu bien vite que j'étais en quelque sorte prisonnier de règles formelles établies d'après les habitudes d'un quelconque specimen MOYEN de mon groupe: il fallait se conformer ou mourir...
Peu à peu, j'ai su trouver l'issue qui me permettrait de quitter le « grand espace » et m'introduire dans un tunnel où s'allumait la lumière verte, signe que je n'avais pas dépassé le délai pour y parvenir. De là s'ouvrait un couloir à claire-voie que j'ai emprunté à petits bonds pour exécuter une voltige en tombant dans un spacieux carré d'herbe... Quand j'y pense¨... C'est au bout du vingtième parcours identique (tout ça pour avoir une modeste assiette de céréales et de légumes) que je me suis décidé : Pourquoi me conformer ? Je n'ai rien à prouver, je ne dépends que de moi et tant pis pour la norme...
Ce jour-là j'ai fait un bon prodigieux (tant de fois répété à l'abri des regards conformistes) et me suis retrouvé au pied d'un arbre-Ami, protecteur des âmes indépendantes. Je suis désormais un hamster joyeux et NON-conformiste ; j'essaierai de le rester le plus longtemps possible !
Maintenant, je me promène dès le lever du soleil, que je contemple avec bonheur et

JE DORS LA NUIT !!!!!!!!

Aga 112 – Eliane Marigo

Je t'envoie séparément chaque texte, c'est plus prudent.