Ses cheveux lâchement nattés tombent sur sa poitrine, une mèche épaisse masque une grande partie de son beau visage triste, une autre, récalcitrante s'est échappée d'une de ses nattes. Vêtu d'une robe légère, tout son corps tente de compenser le poids de sa valise dépourvue de roulettes.
Hier soir, Justine a eu une ultime conversation avec ses parents qu'elle a toujours cru aimants, attentionnés et ouverts. Elle le pressentait, mais elle ne voulait pas y croire, pas le voir, mais ses parents qu'elle aime étaient bel et bien racistes. La puce lui avait été mise à l'oreille par des phrases ordinaires, presque insignifiantes, des phrases à l'usage du quotidien. Mais hier soir c'est très nettement qu'ils lui avaient déclaré :
- Nous ne voulons pas d'un gendre africain !
Et les autres phrases prenaient soudain un sens, une couleur grisouille, pas belle et elles devenaient malodorantes.
- Nous n'avons rien contre les blacks, mais pas dans notre famille. Nous ne voulons pas être les grands-parents de petit métis.
Toutes ses phrases négatives, de rejet de son amour pour Maxime lui pèsent sur le cœur autant que la valise au bout de son bras. Pourtant Justine marche d'un pas décidé par ce petit matin tiède. Elle va chez Maxime qui, étudiant en médecine comme elle, loue un petit logement dans un quartier proche de l'université.
Elle a le cœur lourd et déchiré, ses parents qu'elle croyait libres et ouverts, se montrent mesquins et fermés. Elle a le cœur lourd et en colère :
- Comment j'ai pu ne rien voir venir ? dit-elle tout haut. Je ne voulais entendre que leurs mots, je ne voulais pas voir les petites lampes rouges qui clignotaient comme autant de sens interdits.
Actuellement, Maxime et Justine n'ont pour projet que de terminer leurs études le plus vite et le mieux possible, ils sentent aussi que leur avenir va se dessiner en commun, ils le savent sans grands mots, ni serment. Mais les parents de Justine ont posé leur véto :
- Si tu continues à sortir avec ce jeune homme, si les choses deviennent sérieuses, ne compte plus sur nous pour t'entretenir.
Alors, ce matin, elle a fait sa valise et elle est partie laissant sur la table de la cuisine un billet qui dit : « Tant pis pour vous, garder votre cœur sec, le mien vous conservera une petite place. Justine ».
A l'issue de sa conversation avec ses parents, Justine avait appelé Maxime au téléphone. Après l'avoir consolée, se montrant amoureux et solidaire, il lui avait dit :
- Tu sais, tu as commencé à prendre de la place dans mes pensées, puis dans mon cœur et dans mon corps. Viens vite, je mets de l'ordre et je te fais de la place dans mon armoire. On se serrera, on se tiendra chaud, on ira travailler au supermarché pour vivre, on sera heureux. On fera notre internat, notre doctorat et seulement après tout ça on songera à mettre au monde les petits métis dont ils ne veulent pas.
L'enthousiasme de Maxime l'avait réconfortée, mais la rupture d'avec ses parents a du mal à passer. Par un petit matin tiède, le cœur en berne, Justine chemine vers une autre vie.